Le concept d’entreprise apprenante n’est pas nouveau et beaucoup s’y sont essayés…en vain. Ce qui devait être un état d’esprit à bien souvent donné lieu à des process rigides. Les démarches de knowledge management se sont rapidement transformées en « stock management » et rares sont les entreprises qui ont réussi à traduire ce concept en avantage concurrentiel !
Pourtant, si l’on suit les 5 recommandations de David Garvin[1] pour mettre en œuvre concrètement l’entreprise apprenante, rien ne semble révolutionnaire et insurmontable :
- Favoriser la résolution collective des problèmes
- Donner une forte place à l’expérimentation
- Tirer les enseignements de ses expériences, positives comme négatives
- Apprendre avec et de son écosystème (clients, fournisseurs, partenaires…)
- Transférer les connaissances à ceux qui en ont besoin via une base
Revenons à l’essentiel pour mieux comprendre là où le bât blesse : qu’est-ce qu’une entreprise apprenante ?
La NASA définit l’entreprise apprenante ou « learning organization » comme :
« Une structure incluant les meilleurs éléments du knowledge management, del’innovation des dynamiques de groupes et du changement pour créer un environnement au sein du quel tous les collaborateurs peuvent partager librement leurs expériences, où la liberté leur est donnée de créer de nouveaux produits ou process qui participe à la vision stratégique de l’entreprise. Enfin, l’entreprise apprenante est un espace où les collaborateurs peuvent réagir rapidement aux changements de leur environnement ».
Chris Argyris & Donald Schön[2] précisent que seule l’organisation capable de modifier les valeurs qui guident ses stratégies d’actions peut être considérée comme une entreprise apprenante.
La simple lecture de ces deux définitions nous permet de comprendre pourquoi l’entreprise apprenante est longtemps restée un vœu pieu.
Si beaucoup d’entreprise qui ont tenté de bâtir une entreprise apprenante ont échoué, c’est parce qu’elles se sont souvent contentées de calquer ces concepts sur une organisation inapte à embrasser le changement de paradigme, inhérent à l’entreprise apprenante.
Le changement de paradigme ! C’est là que le 2.0 fait son entrée et pose les bases d’une organisation apprenante renouvelée.
Sur le plan technique d’abord.
Les outils du web 2.0 apportent une nouvelle dimension à l’entreprise apprenante et offrent une caisse de résonnance sans pareil aux lieux d’apprentissage.
Grâce à la mise en réseau quasi instantanée, les collaborateurs d’une même entreprise peuvent désormais échanger, diffuser, capitaliser leurs savoirs et leurs expériences.
Grâce aux nouveaux intranets ou Réseaux sociaux d’entreprise, les communautés de pratiques, la résolution collective de problème, les retours et partage d’expérience, l’échange de savoirs et d’information…tout cela est facilité. Sur le plan de la formation, les communautés d’apprenants vivent avant, pendant et après la formation et le continuum des apprentissages n’est pas rompu.
L’apprentissage devient social et permanent. Plus encore, le « social learning » facilite les apprentissages informels et permet la création d’espaces où ces derniers peuvent être canalisés et partagés avec l’ensemble de la communauté.
Sur le plan organisationnel ensuite.
Le web 2.0 a posé les règles d’un changement de paradigme profond qui va bien au-delà des simples possibilités techniques.
Ce changement de paradigme réside dans une révolution de l’information à l’instar du « peer to peer ». Appliqué au mode de l’entreprise, cela engendre, de fait, une révolution organisationnelle.
Collaboratif, confiance, partage de l’info, décloisonnement sont devenus les maîtres mots.
Dans une organisation taylorienne et une économie fondée sur l’avantage compétitif, pouvoir rimait avec contrôle de l’information. Dans l’univers 2.0, la règle du jeu s’est inversée. Le pouvoir s’est transformé en influence et revient à ceux qui partagent davantage leurs savoirs au sein d’une communauté.
L’organisation traditionnelle des entreprises : pyramidale, hiérarchique, cloisonnée, est vouée à disparaître pour une organisation plus souple, en réseau où le collaborateur est remis au centre des réflexions et (re)devient le capital le plus précieux de l’entreprise pour se démarquer de ses concurrents.
A cet égard, les retombées du web 2.0 en entreprise, vont enfin permettre de bâtir des organisations apprenantes capables de déceler les savoirs de ses collaborateurs, de les faire circuler et ainsi de faire des apprentissages continus un avantage concurrentiel majeur.
Les services RH, les universités d’entreprises et leurs partenaires formation ont un rôle essentiel à jouer dans la convergence entre les technologies/usages 2.0 et l’entreprise apprenante. Ces acteurs peuvent aider les dirigeants, rompus au pilotage financier des entreprises, à s’engager sur le terrain du partage des savoirs et à changer les modèles organisationnels traditionnels.
Le changement semble impératif car, pour citer Martin Roulleaux-Dugage : “[...], les entreprises qui survivront au XXIème seront celles qui auront su développer les systèmes d’apprentissages les plus performants [...] [3]».
[1] David Garvin, Learning in action, A guide to put learniong organization to work, 2000
[2] Chris Argyris & Donald Schön, “Organizational learning”& “Organizational learning II”, traductions françaises disponibles aux éditions De Bock.
[3]Martin Roulleaux-Dugage, « Organisation 2.0 », Eyrolles, 2011