stress1Après Renault, La Poste et la Police nationale, les suicides sur les lieux de travail se développent dans la morosité ambiante d’un grand nombre d’entreprise et d’organisations professionnelles et dans un quasi-anonymat. L’année dernière, Christian Larose, vice-président du Conseil économique et social, et membre de la CGT indiquait à L’Express qu’une personne par jour se donnait la mort pour des raisons liées aux mauvaises conditions de travail. Les chiffres avancés vont de l’ordre de 3 à 400 suicides par an. Causes personnelles, causes professionnelles ? Qu’est-ce qui peut pousser un individu à mettre fin à ses jours sur son lieu de travail ? Le suicide sur le lieu de travail n’est pas une nouveauté, mais plus le nombre augmente, plus il se banalise. Selon Bernard Salengro de la CFR-CGC, le coût du stress pour la société serait de l’ordre de 50 milliards d’euros par an.

Les théories avancées mettent en avant une intensification du stress liée à l’accroissement de l’exigence. Exigence des actionnaires, des patrons, des managers, des clients... Jusqu’où devra aller cette exigence, combien de personnes, de vies, faudra-t-il sacrifier pour comprendre que la pression d’enjeu du toujours plus ne crée pas d’économie durable. Pour être performant au travail, un individu a besoin de croire en ce qu’il fait. Il a aussi besoin de croire en ce qu’il est. Il a besoin de trouver du sens à son action. Il a besoin d’être motivé. C’est d’ailleurs l’une des questions que pose tout recruteur qui se respecte. "Quel est votre motivation ?" Il n’y a pas demotivation dans le stress. Le stress au travail est relié à la démotivation. Le stress au travail est directement lié au management, et nombre de managers n’exercent plus ou n’ont plus les moyens d’exercer leur métier. Faut-il les blâmer ? Comment concilier l’hyper-exigence à tous les niveaux quand on sait que dans nombre d’entreprises le leitmotiv est « Faites plus, plus vite et avec les mêmes, voire avec moins de moyens ». Comment concilier les faramineux résultats des entreprises du CAC avec le quasi-gel des salaires depuis plus de cinq ans. La littérature et la presse regorgent de chiffres et d’analyses qui déplorent cet état de fait. Quoi qu’il en soit, si aucune prise de conscience collective ne s’effectue, si les entreprises restent dans la théorie du toujours plus et continuent sur la même lancée, il y a fort à parier que le coût social lié à l’augmentation des maladies professionnelles sera phénoménal. Il avoisine aujourd’hui les 2 % du PIB. Qui paiera ?

Les seuls critères décisifs et durables de la compétitivité des entreprises sont de s’attaquer avec urgence au stress, de travailler sur la motivation des salariés, de réduire la pression d’enjeu, de diminuer les exigences en accroissant la reconnaissance auprès de tous les salariés de l’entreprise. Tous les acteurs de l’entreprise doivent s’engager à construire du sens, à réhabiliter la notion de plaisir au travail. Sauf à vouloir nuire à l’intérêt même de l’enjeu capitalistique. Les entreprises qui continuent à penser que la pression d’enjeu toujours croissante est de nature à favoriser l’expansion se livrent au même geste que leurs salariés désespérés. Une sorte de suicide économique.

 

Jean-louis RENAULT dans le blog du management